Tout l'été,
L'Express revient sur ceux qui sont restés aux portes de la gloire. Nannerl
Mozart, la soeur du divin compositeur était aussi excellente musicienne.
Partageant un temps la gloire de son frère, elle fut surtout une mère au foyer,
un peu jalouse.
Nannerl
Mozart, l'autre prodige de la famille
En quelques
mois, au mitan du XVIIIe siècle, l'Europe entière est devenue folle de deux
enfants musiciens. Fille et fils de Leopold
Mozart, le plus grand pédagogue musical d'alors, Maria Anna, dite "Nannerl", et Wolfgang Amadeus électrisent leurs auditeurs par leur
virtuosité. Lors de leur première tournée elle a 11 ans, lui 6 ans, et pendant
plusieurs années, de cours princières en concerts privés, de Munich à Paris, en
passant par Londres ou Vienne, ils épatent la galerie. A leur propos sont
rapportés divers tours proches de la prestidigitation : ils seraient capables
de jouer du clavecin les yeux fermés, avec un seul doigt ou sur un clavier
recouvert d'un drap, puis d'enchaîner au violon ou à l'orgue. Partout, on vante
leur charme et leur talent.
BIO Express
1751
Naissance à Salzbourg (Autriche).
1759 Premières leçons de clavecin.
1762-1766 Tournée de concerts en Europe.
1783 Dernière rencontre avec Wolfgang.
1825 Meurt à Salzbourg.
1759 Premières leçons de clavecin.
1762-1766 Tournée de concerts en Europe.
1783 Dernière rencontre avec Wolfgang.
1825 Meurt à Salzbourg.
Le très jeune
Wolfgang est le plus en vue, mais Nannerl partage toujours l'estrade avec son
frère. Elle l'accompagne au clavecin ou chante à son côté, comme l'atteste un
tableau de Carmontelle la montrant, partition à la main, près de Wolfgang et de
Leopold. Cette image illustre sa grande beauté et son assurance. Pourtant,
c'est bien son frère, et lui seul, que le père met en avant. Le seul,
également, qu'il incite à composer.
Décision
aveugle d'un homme conditionné par les a priori misogynes de son temps ?
Absence de talent chez cette jeune fille convaincue de l'immense génie de son
frère ? Ces questions n'ont évidemment pas de réponses simples, même si un
film, Nannerl, la soeur de Mozart (2010), de René
Féret, a tenté de dresser le portrait d'une artiste brimée. Cette hypothèse
séduisante n'est cependant pas étayée par les faits : aucune oeuvre importante
signée de la soeur de Mozart n'est parvenue jusqu'à nous. En fait, la réalité
est assez prosaïque.
Nannerl, la Soeur de Mozart - Bande annonce FR por _Caprice_
Nannerl
connaît un curieux destin : d'abord proche de son frère, partageant avec lui
les fruits qu'il recueille dans les cours d'Europe, vivant ensuite dans son
ombre, puis sous la coupe de son père, avant de finir sa vie assez tristement.
Ses premières années sont baignées de musique. Son père vient de publier son
Essai d'une méthode approfondie du violon, traduit et utilisé dans toute
l'Europe. Compositeur modeste à la cour de Salzbourg, il reporte son ambition
sur ses deux enfants. "Dieu [leur] a donné de tels talents que je serais
contraint, même si ce n'était mon devoir paternel, de tout sacrifier à leur
bonne éducation. Chaque instant perdu l'est à jamais", écrit-t-il.
A 8 ans,
Nannerl prend ses premières leçons de clavecin, données par son père. Ces cours
intéressent au plus haut point le petit Wolfgang. Perspicace, Leopold repère
très rapidement les dons de son fils. A 5 ans, Wolfgang écrit ses premières
compositions, que son père, admiratif, note dans le cahier d'exercices de
Nannerl. Leopold lance alors ses enfants dans le monde. De 1762 à 1766, ils
partent en tournée à travers l'Europe.
Les enfants
grandissent. A 18 ans, Nannerl est une excellente instrumentiste. Wolfgang,
lui, s'impose peu à peu comme compositeur et part en Italie avec son père afin
de parfaire son art. La soeur, elle, reste à Salzbourg. Durant cette première
séparation, les relations épistolaires entre les deux adolescents demeurent
chaleureuses. Aux lettres qu'envoie son père Wolfgang ajoute fréquemment un
post-scriptum très affectueux à son attention. A sa "soeur chérie",
il envoie régulièrement des "baisers grassouillets" ! Mais le
triomphe de W. A. met un terme à la carrière publique de Nannerl. Elle marche
désormais dans les pas de Leopold et donne ses premiers cours de piano,
apportant ainsi l'argent au foyer Mozart. Son journal nous renseigne d'ailleurs
sur le peu de chose que l'on sait de la vie quotidienne de la famille à cette
époque, où s'enchaînent messes, concerts, promenades, visites à de nobles
familles ou voyages
En février
1778, apprenant que Wolfgang a rencontré Aloysia Weber à Mannheim et qu'il veut
partir avec elle pour l'Italie, Nannerl pleure pendant deux jours. Peut-être
jalouse du bonheur de son frère, plus sûrement frustrée de l'indépendance qu'il
commence à prendre et qu'elle-même ne connaîtra jamais. En janvier 1781,
Nannerl connaît encore quelques joies grâce à son frère, notamment lors d'un
voyage à Munich pour la création de l'opéra Idoménée, qui lui permet de
s'échapper de Salzbourg pour quelques semaines de carnaval. Mais Wolfgang
s'installe finalement à Vienne, et Nannerl commence à prendre ses distances
avec lui.
Pourtant,
Wolfgang plaide en sa faveur alors qu'elle projette d'épouser Franz Armand d'Ippold,
capitaine des armées impériales : lorsque leur père s'oppose à cette union, il
écrit à sa soeur de venir le rejoindre à Vienne avec son beau militaire afin
d'y vivre sereinement leur amour. Mais Nannerl se résigne. Le dernier séjour de
Wolfgang à Salzbourg, en 1783, est marqué par l'indifférence de sa soeur à son
égard. Ils ne se reverront plus. Ils continuent à s'écrire (voir l'encadré),
elle reçoit régulièrement de nouvelles partitions de son frère, elle les joue,
mais le coeur n'y est plus.
Dès lors, la
fille se rapproche un peu plus du père, qui, lui aussi, voit s'éloigner son
"Wolfgangus". Comme le note Jérôme Bastianelli dans Tout Mozart.
Encyclopédie de A à Z (Bouquins, Robert Laffont),
"l'incompréhension était devenue presque aussi importante que la
complicité musicale des débuts".
Nannerl ne
possède sans doute pas le génie de son frère, mais, au moins, la sagesse de son
mode de vie et la respectabilité d'un "bon" mariage allaient-elles
apporter quelque réconfort au vieux Leopold. En 1784, elle devient baronne en
épousant le gouverneur Johann Baptist von Berchtold zu
Sonnenburg. Contrairement à son frère, toujours en manque d'argent,
elle est désormais à l'abri du besoin. Elle s'installe dans la maison natale de
sa mère, à Sankt-Gilgen, se consacre à sa famille, délaissant pour toujours ses
ambitions de musicienne.
Belle-mère de
cinq enfants et mère de trois autres petits
Sans doute
autant par choix que par nécessité. En se mariant, elle devient en effet
belle-mère de cinq enfants nés des deux premiers mariages de son époux, avec
qui elle a trois autres petits, dont Leopold Alois Pantaleon, qui passera ses
deux premières années à Salzbourg, en pension chez son grand-père.
Après la
disparition de son père, en 1787, elle continue à donner à sa progéniture des
cours de musique. Mais, nouveau coup du sort, contrairement à l'un des fils de
Wolfgang, ses enfants ne feront pas carrière dans la musique.
L'un des
premiers biographes de son frère retrouve la trace de Nannerl en 1792, un an
après la mort du "Divin", et lui envoie un questionnaire. Elle le
renseigne avec précision sur leurs années de jeunesse, les tournées et les
exploits en commun, mais ne dit rien d'autre de Wolfgang. Comme si, en dehors
de sa petite gloire à elle, il n'avait plus existé. Elle en profite aussi pour
lancer des piques à sa belle-soeur Constance, en qui elle voyait une fille
"mal assortie à lui", cause d'un "grand désordre ménager".
A la mort de son mari, en 1801, Nannerl retourne à Salzbourg, où, devenue
aveugle, elle s'éteint le 29 octobre 1825, emportant avec elle ses derniers
rêves de musique.
La dernière lettre de Mozart à sa
soeur
Dans la
dernière missive de Wolfang à Nannerl qui soit parvenue jusqu'à nous, il tente
de se réconcilier avec elle. Et lui demande un service...
"Soeur chérie !
"Tu aurais raison d'être fâché
contre moi ! - Mais le seras-tu encore lorsque la diligence t'aura apporté mes
dernières compositions pour piano ? - Oh non ! - Cela remettra, j'espère, les
choses en place.
"Comme tu seras convaincue que je
souhaite vraiment chaque jour toutes sortes de choses agréables pour toi, tu me
pardonneras d'arriver un peu en retard avec mes voeux de bonne fête. [...] Ma
chère soeur ! Tu ne peux pas douter que j'aie fort à faire - et tu sais fort
bien que je suis quelque peu paresseux pour écrire des lettres - tu ne m'en
voudras donc pas si je t'écris rarement. [...]
"Je dois maintenant te demander
quelque chose : j'aimerais que Haydn (1) me prête pour quelque temps les
partitions de ses deux messes en tutti et les graduels qu'il a composés [...].
Invite-le à venir te voir et joue- lui mes nouvelles compositions - le trio et
le quatuor ne lui déplairont pas. Adieu, soeur chérie ! - dès que j'aurai
rassemblé de nouvelles musiques, je te les enverrai - je suis à jamais ton
frère sincère, W. A. Mozart"
(1) Il s'agit
de Michael Haydn, un des frères de Joseph. Extrait de Mozart. Correspondance complète.
ed. de Geneviève Geffray, Flammarion, 2011. Par Bertrand
Dermoncourt (L'Express), publié le 26/07/2012 à 14:30
Uma irmã que restou na sombra de um grande génio da Música, Mozart!... A história repete-se... Para que uns se elevem, outros que os acompanham ficarão eternamente quase no anonimato! Assim é. E quantas vezes os que ficam na penumbra dos génios lhes aplanam os trabalhos, lhes dulcificam as dificuldades, lhes tiram os escolhos e os espinhos do caminho, para que a estrela brilhe ainda mais. Possível moral da história: Existe sempre alguém por detrás de quem se eleva... Não somos nada, sozinhos!
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