" Quand vous dîtes que vous ne sentez pas la distinction du bien et du mal, prise littéralement, cette parole n'est pas sérieuse, puisque vous parlez d'un autre homme en vous, qui est évidemment le mal en vous; vous savez bien - et dans les cas d'incertitude un examen attentif peut , au moins la plupart du temps , amener à savoir - ce qui dans vos pensées, vos paroles et vos actes nourrit cet autre à vos dépens, ce qui vous nourrit aux siens. Ce que vous voulez dire, c'est que vous n'avez pas encore consenti à reconnaître cette distinction comme celle du bien et du mal.
Ce consentement n'est pas facile, car il engage sans retour. Il ya une espèce de virginité de l'âme à l'egard du bien qui ne se retrouve pas plus, une fois le consentement accordé, que la virginité d'une femme après qu'elle a cédé à un homme. Cette femme peut devenir infidèle, adultère, mais elle ne sera plus jamais vierge. Aussi a-t-elle peur quand elle va dire oui. L'amour triomphe de cette peur.
Pour chaque être humain, il y a une date, inconnue de tous et de lui-même avant tout, mais tout à fait determinée au-delà de laquelle l'âme ne peut plus garder cette virginité. Si avant cet instant précis, éternellement marqué, elle n'a pas consenti à être prise par le bien, elle sera aussitôt prise malgré elle par le mal."
Simone Weil, in "Le ravissement de la raison", Editions Points, Janvier 2009, pp.81,82
Sem comentários:
Enviar um comentário