Un ami nommé Camus
Franz-Olivier Giesbert
C'est sans doute parce que le monde tourne de plus en plus vite que nous adorons nous arrêter sur notre passé, si possible en nous faisant mousser ou en versant notre larme. C'est ce qu'on appelle une célébration.
Après l'anniversaire de la chute du mur de Berlin, voici venir le temps de la commémoration de la mort d'Albert Camus. Un monument national qui, pour le coup, n'a pas usurpé son titre.
«Avoir raison trop tôt est toujours un grand tort.» Telle fut la faute d'Albert Camus, qui nous a quittés, il y aura bientôt cinquante ans, en pleine force de l'âge, à 47 ans, dans un stupide accident de voiture, le 4 janvier 1960.
Mais la postérité lui a bien réussi. Même s'il a dit que le besoin d'avoir raison était la «marque d'un esprit vulgaire», Albert Camus aura dominé son époque par sa préscience, ses tourments et la pertinence de ses analyses sans avoir connu, après sa mort, le purgatoire obligatoire des écrivains.
Pourquoi reste-t-il à ce point d'actualité, le romancier de «L'étranger», qui, en poche, est toujours en tête des meilleures ventes ? Sans doute parce qu'il est, plus qu'un écrivain, un philosophe ou un moraliste, mais aussi un ami dont, à chaque livre, on se sent plus proche.
Ce libertaire, rétif aux idéologies, n'est tombé dans aucun des panneaux de notre affreux XXe siècle. Il a juste beaucoup douté. Notre cher Jacques-Pierre Amette a tout dit, un jour, dans ces colonnes, à propos d'Albert Camus: «C'est cette vulnérabilité révélée, écrite, répétée, ressassée, qui nous le rend proche, vrai (1). »
Comme tous les vrais amis, il ne mourra jamais, l'homme qui a écrit: «Je ne connais qu'un seul devoir, et c'est celui d'aimer. »
(1)- « Le Point » du 14 août 1993.
Publié le 13/11/2009 , dans "Le Point" N°1939
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