terça-feira, 14 de janeiro de 2014

La Maladie de la mort

Duras dans un état second
"Théâtre. Paris (6e). Du 15 au 29 janvier. En 1982, Marguetite Duras dicte à Yann Andréa l'un de ses plus beaux textes, La Maladie de la mort, mis en scène par Mureille Mayette-Holtz à la Comédie-Française avec la complicité de Matthias Langhoff.
«Ainsi vous avez pu vivre cet amour de la seule façon qui puisse se faire pour vous, en le perdant avant même qu'il soit advenu.» C'est sur ces mots que se termine La Maladie de la mort, court récit de Marguerite Duras écrit en 1982 et comme arraché à la mort. C'est l'été. Duras doit entrer à l'hôpital en urgence. Elle préfère prendre le temps d'écrire ces quelques pages dont la rédaction la retient plusieurs semaines. Elle dicte le texte à son jeune amant, Yann Andréa. Le récit est écrit à la deuxième personne : le narrateur (la narratrice ?) s'adresse à un homme (peut-être homosexuel) qui retrouve chaque nuit la même femme dans une chambre, au bord de la mer, et qui ne sait comment l'aimer. C'est hiératique, désespéré et éblouissant.
Le texte a aussitôt donné lieu à des commentaires de Maurice Blanchot, dans La Communauté inavouable. En 1985, Peter Handke l'adapte pour le cinéma. En 1997, Bob Wilson le porte à la scène. En 2006, Fanny Ardant le joue seule, sous la direction de Bérangère Bonvoisin. C'est Muriel Mayette, administratrice générale de la Comédie-Française, qui s'y attelle désormais, avec la complicité artistique de Matthias Langhoff. Selon la metteur en scène, Duras réussit à faire de la difficulté d'aimer un sujet de tragédie. Que se passe-t-il lorsqu'un homme ne sait, ou ne peut, ou ne veut, désirer, jouir, aimer ? Que signifie cette panique devant le sexe de l'autre ? Ce récit qu'elle aurait pu adapter en respectant la répartition de la narration et des dialogues, Muriel Mayette choisit de le faire dire entièrement par un homme, dont elle accroît ainsi le trouble et l'impuissance : l'homme se parle et analyse son histoire au lieu de la vivre. Car la femme est ailleurs, silencieuse, en fond de scène, derrière des parois vitrées. Elle ne sait pas que l'homme la regarde, et elle ne le regarde pas. Elle ne sait pas que le public la regarde, et elle ne nous regarde pas.
Matthias Langhoff a conçu le décor, les lumières et un film muet projeté dans l'espace translucide de la chambre. On y voit Marguerite Duras, jeune, âgée, au bord de cette mer qui joue dans le récit un rôle de contrepoint permanent. On y voit un homme qui se noie dans les glaces. Ce film est comme un rêve qui déplace, condense et dissémine la mélancolie portée par la phrase lyrique et la composition fragmentaire de Duras."
Par Christophe Bident, Le Magazine Littéraire.

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