terça-feira, 30 de outubro de 2012

Emilie du Châtelet

Emilie du Châtelet: "On n'est heureux que par des goûts et des passions satisfaites."

Emilie du Châtelet, la lumière de Voltaire
"La marquise du Châtelet fut beaucoup plus que la "maîtresse" du philosophe. La découverte de ses archives, dont une partie va être vendue chez Christie's, est un événement majeur.
Voltaire l'appelait "Mme Pompon Newton". Car elle était coquette, souvent trop maquillée. Elle n'était pas spécialement jolie, "grande et sèche, sans cul, sans hanches, la poitrine étroite, deux petits tétons arrivant de fort loin", comme la décrira une rivale. Mais la marquise du Châtelet, dont l'écrivain était épris, brillait d'autres feux. Assoiffée de connaissances, elle plongeait jour et nuit dans l'étude de la physique et des mathématiques. "Elle fut la première femme scientifique en France", souligne la philosophe Elisabeth Badinter, qui lui a consacré un essai (Emilie, Emilie, le Livre de poche). Son nom, pourtant, est le plus souvent ignoré. Et, quand il apparaît, c'est toujours sous la mention, réductrice, de "maîtresse de Voltaire". Machiste...
Une découverte récente va-t-elle entraîner sa réhabilitation ? Des liasses de textes de la marquise ont, en effet, été retrouvées : cahiers noircis d'équations, essai inédit sur l'optique, manuscrits de l'"Exposition abrégée du système du monde selon les principes de Monsieur Newton". Ces documents, et bien d'autres, que l'on croyait perdus, gisaient dans des caisses en bois, rangées depuis des lustres dans un grenier d'une maison à Rosnay-l'Hôpital (Aube). Les plus précieux seront mis en vente par Christie's, à Paris, le 29 octobre. Le reste a été versé, l'été dernier, aux archives départementales de Chaumont (Haute-Marne). Ce fonds contient, en fait, toutes les archives du château de Cirey, en Champagne !
Cirey : c'est là que Voltaire et Mme du Châtelet ont vécu ensemble pendant quatorze ans. Tout commence en 1735. L'écrivain cherche à quitter dare-dare la capitale. Ses Lettres philosophiques, véritable brûlot contre l'obscurantisme, ont déplu au pouvoir. Il veut éviter tout nouveau séjour à la Bastille. Eperdument amoureuse, Emilie du Châtelet lui ouvre les portes de sa demeure. Son mari, Florent Claude du Châtelet, avec qui elle a eu trois enfants, est un militaire qui n'est jamais là. D'une bienveillance rare, il va fermer les yeux sur l'adultère. Et sur la plus folle romance des Lumières. 
L'exilé transforme le château avec ses propres deniers. Il aménage un théâtre. Dans une galerie, on installe des microscopes, des baromètres, des télescopes. Un vrai laboratoire. Elle a 29 ans. Lui, douze de plus. Leur complicité intellectuelle est intense. La marquise se réveille aux aurores, lit à Voltaire des textes en anglais ou en latin. Elle qui fut l'élève du grand mathématicien Maupertuis (lequel fut également son amant) initie l'écrivain aux matières scientifiques. "J'étudie la philosophie de Newton sous les yeux d'Emilie, qui est à mon gré encore plus aimable que Newton", raconte, ébahi, le philosophe.
A l'époque, le théoricien de la gravitation universelle est un illustre inconnu pour la plupart des gens. La savante instruit son compagnon. Lui, l'auteur d'Oedipe, l'aide dans la vulgarisation. Un duo de choc. "Ils définissaient des sujets d'étude ensemble, travaillaient ensuite dans leur coin, puis comparaient leurs résultats", décrit le spécialiste de Voltaire Andrew Brown. Ils s'attellent à des expériences sur la propagation du feu - ils rédigeront chacun un essai sur le sujet pour l'Académie française.
Voltaire clame qu'il est son "scribe"
L'attitude de la marquise est révolutionnaire pour l'époque. Elle se veut libre sur le plan des moeurs et libre dans ses recherches. Elle entretient une correspondance avec des chercheurs de toute l'Europe (Bernoulli, Clairaut, Euler, König, Réaumur...), est élue à l'Académie des sciences de Bologne, en Italie, bref, s'aventure sur des terrains interdits aux femmes. Pas facile. "Je sens tout le poids du préjugé qui nous exclut si universellement des sciences, déplore cette pionnière du féminisme. Et c'est une des contradictions de ce monde qui m'a le plus étonnée." Les éditeurs comme le public se méfient alors des femmes savantes.Ce n'est pas le cas de Voltaire. Il dira d'ailleurs de Molière, et de sa fameuse pièce : "En vain, il a voulu couvrir de ridicule une dame qui avait appris l'astronomie. Il eût mieux fait de l'apprendre lui-même." L'ermite de Cirey a la gratitude de celui qui sait ce qu'il doit à sa compagne. Elle l'a transformé en philosophe complet. "Emilie a été en quelque sorte son mentor", résume Elisabeth Badinter. Il ne cessera, durant toute leur relation, de rendre hommage à sa maîtresse. "Elle fait honneur à son sexe et à la France. En vérité, je suis saisi d'admiration", confie-t-il à un proche. Voltaire clame qu'il est son "scribe", qu'il écrit sous sa dictée. Exagéré, sans doute. Mais les spécialistes se demandent toutefois dans quelle mesure certains opus de Voltaire ne sont pas partiellement coécrits. Des textes, notamment parmi ceux qui viennent d'être exhumés, comportent des annotations de la main des deux intellectuels. Un travail d'équipe, mis parfois à rude épreuve. A la fin de sa vie, Emilie du Châtelet se convertit aux doctrines métaphysiques de Leibniz, que Voltaire abhorrait - il s'en moquera abondamment dans son conte Candide.C'est peu dire que les archives de Cirey, par leur importance, ont déclenché une vive émotion dans la communauté scientifique. Plus de 1 400 chercheurs du monde entier (américains, italiens, anglais, grecs, canadiens...) ont cosigné une lettre adressée à la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, pour demander à l'Etat de préempter ces textes. "Il est à craindre, soulignent les pétitionnaires, que ces fonds exceptionnels, qui constituent l'une des plus remarquables redécouvertes de valeur patrimoniale de ces dernières décennies, ne disparaissent de nouveau, nous privant tous, chercheurs et publics intéressés, d'une ressource inestimable de connaissances et d'informations inédites sur deux des plus grandes figures du siècle des Lumières."Mais l'Etat pourra-t-il, en période de disette budgétaire, débourser tant d'argent ? Christie's met par exemple en vente un lot comprenant plusieurs versions de travail du Commentaire de Newton par Madame du Châtelet (c'est la pièce phare des enchères). Prix de départ : 400 000 euros... Cher, trop cher.Emilie du Châtelet meurt le 10 septembre 1749 à Lunéville. Elle décède d'une infection, cinq jours après avoir accouché d'une petite fille. Depuis 1748, se sentant délaissée par Voltaire, qui courtisait sa propre nièce, Mme Denis, la marquise avait fini par s'énamourer de Jean-François de Saint-Lambert. Un beau militaire, philosophe de surcroît, qui lui a donc donné ce bébé. Sur son lit de mort, la scientifique est entourée de Voltaire, de Saint-Lambert et de son mari, revenu pour l'accouchement. "J'ai perdu la moitié de moi-même, écrira, effondré, Voltaire après la disparition de Mme du Châtelet. Une amie de vingt ans que j'avais vue naître".Cette femme avait décidé de vivre autrement. De saper les codes en vigueur dans son milieu. La quête des connaissances comme celle de l'amour avaient été son seul credo. Dans un opuscule écrit pourtant après la fin houleuse de sa relation avec Voltaire, et intitulé Discours sur le bonheur, Emilie du Châtelet continue à se moquer des diktats : "Les moralistes qui disent aux hommes "réprimez vos passions, et maîtrisez vos désirs, si vous voulez être heureux" ne connaissent pas le chemin du bonheur. On n'est heureux que par des goûts et des passions satisfaites."Par Marcelo Wesfreid (L'Express), publié le 18/10/2012 à 07:00, mis à jour le 19/10/2012 à 16:24
A noter: le fonds Voltaire appelle aux dons pour que les manuscrits d'Emilie du Châtelet restent aux Archives de France ou à la Bibliothèque nationale: http://fonds-voltaire.org/edc1/ 

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