Um grupo de doze intelectuais, onde está incluído o escritor português António Lobo Antunes, lançou um Manifesto em defesa da Europa, que foi divulgado por três jornais europeus, no último Sábado.O Manifesto, que tem como título “Europa ou o caos”, é um apelo à união da Europa ,à sobrevivência de uma Europa fundada numa ideia, num sonho, num projecto novo e não apenas num território. "A Europa está a morrer " apodrecida por um crescente “cinismo”,
“chauvinismo” e populismo” . Salvá-la é um dever de todos para com os seus antepassados, exortam estes intelectuais.
Eis o Manifesto na versão publicada pelo Jornal " Le Monde."
Par : Bernard-Henri Lévy, Salman
Rushdie, Claudio Magris, Antonio Lobo Antunes, Fernando Savater,
Julia Kristeva, Juan-Luis Cebrian, Peter Schneider, Vassilis Alexakis,
Hans-Christoph Buch, Umberto Eco, Gÿorgy Konrád,
"L’Europe n’est pas en crise, elle est en train de
mourir.
Pas l’Europe comme territoire, naturellement.Mais l’Europe comme Idée.
L’Europe comme rêve et comme projet.
Cette Europe selon
l’esprit célébrée par Edmund Husserl dans ses deux grandes conférences
prononcées, en 1938, à Vienne et à Prague, à la veille de la catastrophe nazie.
Cette Europe
comme volonté et représentation, comme chimère et comme chantier, cette Europe
qu’ont relevée nos pères, cette Europe qui a su redevenir une idée neuve en
Europe, qui a pu apporter aux peuples de l’après seconde guerre mondiale une
paix, une prospérité, une diffusion de la démocratie inédites mais qui est, à
nouveau, sous nos yeux, en train de se déliter.
Elle se
délite à Athènes, l’un de ses berceaux, dans l’indifférence et le cynisme des
nations-sœurs : il fut un temps, celui du mouvement philhellène, au début du
XIXe siècle, où, de Chateaubriand au Byron
de Missolonghi, de Berlioz à Delacroix, ou de Pouchkine au jeune Victor
Hugo, tout ce que l’Europe comptait d’artistes, de poètes, de grands esprits,
volait à son secours et militait pour sa liberté ; nous en sommes loin
aujourd’hui ; et tout se passe comme si les héritiers de ces grands
Européens, alors que les Hellènes ont à livrer une autre bataille contre une
autre forme de décadence et de sujétion, ne trouvaient rien de mieux à faire
que de les houspiller, de les stigmatiser, de les jeter plus bas que terre et,
de plan de rigueur imposé en programme d’austérité qu’ils sont sommés
d’enregistrer, de les dépouiller de ce principe même de souveraineté qu’ils
ont, naguère, inventé.
Elle se
délite à Rome, son autre berceau, son autre socle, la deuxième matrice (la
troisième étant l’esprit de Jérusalem) de sa morale et de ses savoirs, l’autre
lieu d’invention de cette distinction entre la loi et le droit, ou entre
l’homme et le citoyen, qui est à l’origine du modèle démocratique qui a tant
apporté, non seulement à l’Europe, mais au monde : cette source romaine
polluée par les poisons d’un berlusconisme qui n’en finit pas de finir, cette
capitale spirituelle et culturelle parfois comptée, aux côtés de l’Espagne, du
Portugal, de la Grèce et de l’Irlande, parmi les fameux « PIIGS » que
fustigent des institutions financières sans conscience ni mémoire, ce pays qui
inventa l’embellissement du monde en Europe et qui prend des allures, à tort ou
à raison, d’homme malade du continent – quelle misère ! quelle
dérision !
Elle se
délite partout, d’ouest en est, du sud au nord, avec la montée de ces populismes,
de ces chauvinismes, de ces idéologies d’exclusion et de haine que l’Europe
avait précisément pour mission de marginaliser, de refroidir, et qui relèvent
honteusement la tête : comme il est loin le temps où, dans les rues de
France, en solidarité avec un étudiant insulté par un chef de Parti à la
mémoire aussi courte, lui aussi, que ses idées, on scandait « nous sommes
tous des juifs allemands » ! comme ils paraissent loin, ces
mouvements de solidarité, à Londres, à Berlin, à Rome, à Paris, avec les
dissidents de cette autre Europe que Milan Kundera nommait l’Europe captive et qui
apparaissait comme le cœur de l’Europe ! et quant à la petite
Internationale de libres esprits qui se battaient, il y a vingt ans, pour cette
âme de l’Europe qu’incarnait Sarajevo sous les bombes et en proie à un
« nettoyage ethnique » impitoyable, où est-elle passée et pourquoi ne
l’entend-on plus ?
Et puis
l’Europe se délite enfin du fait de cette interminable crise de l’euro dont
chacun sent bien qu’elle n’est nullement réglée : n’est-elle pas une
chimère, pour le coup, cette monnaie unique abstraite, flottante, car non
adossée à des économies, des ressources, des fiscalités convergentes ? les
monnaies communes qui ont marché (le Mark après le Zollverein, la Lire de
l’unité italienne, le Franc suisse, le dollar) ne sont-elles pas celles, et
celles seulement, qu’ont soutenues un projet politique commun ? n’y a-t-il
pas une loi d’airain qui veut que, pour qu’il y ait monnaie unique, il
faut un minimum de budget, de normes comptables, de principes d’investissement,
bref, de politique partagées ?
Le théorème est implacable.
Sans fédération, pas de monnaie qui tienne.
Sans unité
politique, la monnaie dure quelques décennies puis, à la faveur d’une guerre,
d’une crise, se désagrège.
Sans progrès,
autrement dit, de cette intégration politique dont l’obligation est inscrite
dans les traités européens mais qu’aucun responsable ne semble vouloir prendre
au sérieux, sans abandon de compétences par les États-nations et sans une
franche défaite, donc, de ces « souverainistes » qui poussent les
peuples au repli et à la débâcle, l’euro se désintégrera comme se serait
désintégré le dollar si les Sudistes avaient, il y a 150 ans, gagné la guerre
de Sécession.
Jadis, on disait : socialisme ou barbarie.
Aujourd’hui, il faut dire : union politique ou
barbarie.
Mieux : fédéralisme ou éclatement et, dans la
foulée de l’éclatement, régression sociale, précarité, explosion du chômage,
misère.
Mieux :
ou bien l’Europe fait un pas de plus, mais décisif, dans la voie de
l’intégration politique, ou bien elle sort de l’Histoire et sombre dans le
chaos.
Nous n’avons plus le choix : c’est l’union
politique ou la mort.
Cette mort peut prendre maintes formes et emprunter
plusieurs détours.
Elle peut
durer deux, trois, cinq, dix ans, et être précédée de rémissions en grand
nombre et donnant le sentiment, chaque fois, que le pire est conjuré.
Mais elle
adviendra. L’Europe sortira de l’Histoire. D’une façon ou d’une autre, si rien
ne se passe, elle en sortira. Ce n’est plus une hypothèse, une crainte vague, un
chiffon rouge agité à la face des Européens récalcitrants. C’est une certitude.
Un horizon indépassable et fatal. Tout le reste – incantations des uns, petits
arrangements des autres, fonds de solidarité Truc, banques de stabilisation
Machin – ne fait que retarder l’échéance et entretenir le mourant dans
l’illusion d’un sursis.” Le Monde, 25/01/2013
Leia na edição do "El País": Europa o el caos
Leia na edição do "El País": Europa o el caos